Torticolis et plagiocéphalie
Le torticolis est une impossibilité ou une grande difficulté à tourner la tête d’un côté ; il peut s’accompagner d’une position en inclinaison de la tête (tête penchée vers l’épaule) ; quand les deux sont associés, le bébé a des difficultés à tourner la tête vers le côté où la tête est penchée.
Le torticolis, avec ou sans inclinaison, peut être présent dès la naissance ou apparaître dans les premières semaines de vie du bébé.
La tête plate est un phénomène récent, lié à la consigne de faire dormir les bébés sur le dos, en prévention de la mort subite du nourrisson : diminution de 78% de la mort subite du nourrisson mais multiplication par 6 du nombre de plagiocéphalies [1].
Les bébés ont le crâne mou, pour permettre la naissance et le passage dans le bassin de maman, et si votre bébé passe trop de temps sur le dos, sa tête peut s’aplatir sur l’arrière juste au milieu (on parle alors de brachycéphalie) ou sur le côté derrière l’oreille s’il a un torticolis associé (plagiocéphalie postérieure positionnelle).
L’aplatissement de la tête apparaît dans les premières semaines de vie et s’aggrave jusque vers 5 mois en l’absence de traitement par mesures de positionnement, kinésithérapie et ostéopathie : d’après la société canadienne de pédiatrie, 20% des enfants de 5 mois présentent une plagiocéphalie positionnelle [2]. Les conséquences sont sans complications pour le développement cérébral, en revanche elles sont esthétiques et motrices car le méplat de la tête va freiner le bébé dans ses retournements, gêner le bébé pour tourner la tête et perturber l’acquisition de la coordination oeil-main-bouche [1].
Les facteurs de risque de la plagiocéphalie sont :
- le sexe masculin (cause inexpliquée, 75% des plagiocéphalies concernent des garçons),
- un périmètre crânien élevé,
- la position d’aîné dans la famille,
- l’alimentation exclusive au biberon (biberon donné souvent du même côté),
- des périodes d’éveil sur le ventre de moins de 10 minutes par jour [1],
- la prématurité,
- suite à la grossesse, les contraintes intra-utérines, la gémellité, la position en siège,
- le torticolis et la position préférentielle de sommeil (l’enfant n’a pas de torticolis mais préfère dormir avec la tête tournée à droite, par exemple),
- l’utilisation prolongée de transat et cosys (multiplie par 7 le risque de déformation du crâne !) [1].
Il est intéressant de noter qu’en Afrique, la plagiocéphalie n’existe pas, les transats et cosys non plus et les nourrissons sont portés de longues périodes par jour…
Traitement et prévention
Pour ces 2 problèmes, la prévention et le traitement doivent commencer le plus tôt possible, car avec la croissance le crâne sera de moins en moins mou et malléable pour permettre une correction.
Contrairement à ce que l’on entend souvent (parfois même dans le monde médical…), non ça ne s’arrange pas tout seul, oui c’est associé à une perturbation des acquisitions motrices et de la coordination de votre enfant [3, 4, 5], non les cheveux ne suffiront pas à masquer !
La prise en charge est sensiblement la même pour le torticolis et pour la plagiocéphalie et se résume à un mot d’ordre : bouger l’enfant !
- le stimuler afin qu’il tourne la tête au maximum des 2 côtés,
- lui proposer d’autres positions que couché sur le dos mais pendant les périodes d’éveil uniquement.
Plus le traitement est débuté précocement, avec une bonne motivation de l’entourage de l’enfant, plus il sera efficace.
En cas de torticolis et/ou de plagiocéphalie avérée, discutez-en avec votre pédiatre ou votre médecin généraliste, qui vous prescrira de la kinésithérapie.
Pour traiter ces pathologies, il est recommandé de s’adresser à un kinésithérapeute et un ostéopathe spécialisés en pédiatrie, qui travailleront de concert. En effet, la tête plate et le torticolis s’accompagnent de troubles des acquisitions motrices [3, 4, 5]. Le kiné vous expliquera les mesures de positionnement à mettre en place et les jeux moteurs à faire à la maison, il s’occupera de la détente musculaire et de la rééducation motrice. L’ostéo traitera la cause de la dysfonction et aura une approche globale visant à libérer les tensions qui empêche l’expansion crânienne et la libre amplitude corporelle. Cette combinaison de traitement offre les meilleurs résultats à long terme pour le développement psychomoteur de l’enfant.
Soyons francs et honnêtes !
Ayez conscience qu’un bon traitement de ces troubles nécessite une bonne implication de votre part et une bonne observance des conseils donnés : l’importance de la répétition et la diversité des mouvements sont fondamentales pour la qualité des apprentissages de votre bébé.
C’est au quotidien que l’enfant construit sa motricité, dans les positions et les stimulations que son entourage lui propose.
Si vous n’êtes pas impliqué, ce ne sont pas 2 séances de kiné par semaine et/ou 1 séance d’ostéo par mois qui suffiront à compenser 7 jours sur 7 de positionnement inadaptés !
Alors que faire à la maison pour prévenir ou traiter ?
Prenez de bonnes habitudes !
Restreignez au maximum l’utilisation du transat et du cosy : le transat c’est uniquement pour donner les petits pots et le cosy c’est uniquement pour les trajets en voiture.
En poussette, préférez l’utilisation d’une nacelle ou à défaut allongez l’assise de votre poussette.
Évitez les portiques ou mobiles qui stimulent le regard de l’enfant toujours dans la même direction et stimulez la rotation de la tête des 2 côtés (ou du côté difficile pour le torticolis) avec des jouets, des sons, de la lumière (placement de l’enfant dans son lit par rapport à la fenêtre).
- pour un torticolis, avec ou sans plagiocéphalie : placez l’enfant dans son lit de manière à ce que la fenêtre soit du côté difficile ; placez les jouets à l’opposé de sa position préférée,
- pour une brachycéphalie (au milieu du crâne) : changez la position de l’enfant dans le lit en alternant « tête au pied » un jour sur deux, de manière à ce que la fenêtre se trouve alternativement à droite et à gauche de l’enfant,
- fixez aux barreaux du lit, à hauteur de la tête de l’enfant un panneau recouvert de tissu vichy noir et blanc : les motifs géométriques et très contrastés attirent beaucoup le regard de l’enfant ; pour un torticolis, vous le placez du côté difficile et pour une tête plate symétrique, vous le placez alternativement à droite et à gauche de l’enfant ; vers 3 mois, un nourrisson commence à voir les couleurs comme les adultes, vous pouvez varier en utilisant une image d’Elmer l’éléphant, ou toute autre image avec des motifs graphiques aux couleurs très vives.
S’il est nourri au biberon, donnez-lui alternativement à droite et à gauche, voire exclusivement du côté difficile en cas de torticolis.
Quand votre bébé est éveillé, installez-le sur le ventre 15 à 30 minutes par jour, en plusieurs périodes courtes [2].
Pendant les temps d’éveil et sous surveillance exclusivement, il est également possible de coucher votre bébé sur le côté, en le calant avec une serviette roulée ou un cale bébé, alternativement des 2 côtés, même s’il a un torticolis.
Évitez l’utilisation d’un parc qui empêchera votre bébé d’explorer son environnement et d’expérimenter ses nouvelles compétences motrices (roulés-boulés, ramper, 4 pattes, puis marche).
Vous avez un chien ? Enseignez au chien à respecter le tapis de jeu de votre bébé (et votre bébé) ou mettez le chien dans le parc et laissez le bébé gambader dehors 😉 !
Préférez un tapis de jeux simple, ferme, lavable, de 2 à 4 cm d’épaisseur et placez l’enfant et le tapis dans la maison de manière à ce que la vie de la maison se passe du côté à stimuler : pour vous voir, votre bébé devra faire l’effort de tourner la tête.
Chaque fois que vous prenez votre bébé dans les bras, faites-le rouler sur le côté, alternativement droit et gauche.
Vous avez des jumeaux ? Magnifique ! Ils auront tendance dans leurs premiers mois à se chercher du regard. Placez leur lit et placez les bébés au tapis en inversant tous les jours leur position l’un par rapport à l’autre. L’un d’eux a un torticolis mais pas l’autre : placez son jumeau du côté où la rotation de la tête est difficile.
Portez votre bébé
Portez votre enfant aussi souvent que possible, dans les bras, avec une écharpe ou un porte-bébé physiologique.
Pour le portage dans les bras, pensez à :
- changer de bras une fois sur deux,
- varier les positions de portage (face à vous, face au monde, sur votre hanche, allongé sur le ventre sur votre avant-bras).
L’intérêt des porte-bébés (écharpes ou préformés) est multiple :
- Gestion du quotidien :
- tout d’abord, ça vous libère les bras tout en ayant l’assurance que votre enfant est bien,
- pour les promenades, vous êtes en mode tout terrain !
- c’est beaucoup de plaisir et de câlins pour l’enfant comme pour le parent.
- Au niveau physiologique pour l’enfant :
- offre à l’enfant un apprentissage sécure d’adaptations posturales dans des situations très variées,
- diminue le temps d’appui sur le crâne : tout le temps que votre enfant passe porté est du temps pendant lequel son crâne peut se développer librement sans contraintes,
- stimule la tonicité musculaire : l’enfant apprend plus vite à stabiliser sa tête que s’il est toujours couché ; pendant les temps d’éveil, il est stimulé de tous côtés par l’environnement tellement il y a de choses à regarder,
- améliore la digestion, diminue les coliques, les reflux et les régurgitations,
- stimulation du système vestibulaire (oreille interne) en lien avec l’équilibre.
Dans le porte-bébé, votre enfant a souvent la tête tournée : profitez-en pour lui tourner alternativement des 2 côtés ou du côté difficile uniquement en cas de torticolis.
A noter : pour le portage en écharpe, nous vous conseillons vivement de vous adresser à un atelier d’enseignement spécifique, afin d’apprendre les différents types de nouages en toute sécurité pour votre bébé comme pour vous et votre dos de porteur.
A vous de jouer !
Il faut envisager une durée d’exercices d’un quart d’heure, 3 fois par jour, soit 3 x 15 min de jeux.
L’objectif principal des exercices est de jouer avec votre enfant pour jouer, pour entrer en relation pour lui proposer une motricité variée et enrichissante, par pour qu’il « aille plus vite » dans ses acquisitions.
Comme pour un entraînement sportif, soyez progressifs pour augmenter la difficulté des exercices et vigilants à la fatigue de bébé.
Couché sur le dos
Stimulez la rotation de la tête : stimulez son regard vers vous (ou vers un jouet ou une source sonore) et déplacez-vous doucement d’un côté et de l’autre.
Favorisez l’enroulement :
- ramenez ses jambes pliées sur son ventre, et faites rouler son bassin d’avant en arrière, enroulez, déroulez ; vous pouvez le porter aussi en position enroulée, dos contre vous, avec les jambes remontées en tailleur, comme un petit bouddha,
- en position enroulée, faites doucement rouler son bassin d’un côté puis de l’autre,
- ramenez ses pieds (nus, de préférence) vers son ventre en maintenant les genoux écartés, tapez-les l’un contre l’autre.
Favorisez la préhension des mains :
- faites-lui caresser votre visage lorsque vous êtes tout près de lui,
- faites-lui faire « bravo » avec les mains,
- rassemblez ses mains devant son visage avec vos mains ou en le stimulant avec un jouet pour qu’il le cherche.
Détendez ses jambes :
- faites lui faire des pédalages en tenant ses jambes au niveau des mollets,
- posez ses pieds sur le sol, tout près de ses fesses, et faites basculer ses genoux d’un côté puis de l’autre,
- dans la même position, appuyez sur ses genoux pour lui faire prendre conscience de l’appui de ses pieds.
Puis rassemblez ses pieds et ses mains au-dessus de lui, tenez-les et faites-le rouler d’un côté puis de l’autre.
Couché sur le côté
Couchez vous à côté de lui, très près, une main dans son dos, il va adorez vous toucher le visage ! bercez-le d’avant en arrière.
Proposez-lui un jouet à saisir, effleurez ses doigts puis déplacez doucement le jouet, il peut l’attraper avec la main du même côté ou avec l’autre qui va croiser. S’il commence à basculer sur le ventre, accompagnez-son mouvement en faisant rouler doucement son bassin.
Couché sur le ventre
La position plat ventre est la fondation sur laquelle repose toute la construction de la motricité.
Cette position peut être proposée dès les premiers jours, de très courts instants mais souvent dans la journée.
Posez-le sur le dos, faites-le doucement rouler sur le côté, en le berçant, puis lorsqu’il est détendu, continuez à le rouler sur le ventre, dégagez doucement ses bras vers l’avant pour qu’il prenne appui sur ses coudes. Ne posez jamais un enfant directement sur le ventre, c’est effrayant pour lui « d’atterrir » au sol sans se sentir soutenu.
Placez l’enfant sur le ventre, de courtes périodes, jusqu’à atteindre 10 minutes par jour (juste après la naissance) jusqu’à 1 heure par jour (vers 3-4 mois). Si votre bébé a des difficultés à rester sur le ventre, placez une petite serviette roulée sous son thorax.
Cela peut être sur la table à langer lors du change pour boutonner les vêtements par exemple, sur votre lit, sur vos genoux, sur votre thorax quand vous êtes allongé sur le dos (gardez bien les mains autour de votre enfant), sur votre bras quand vous le portez, à l’occasion d’un massage…
Sur le tapis d’éveil, couchez-vous à sa hauteur et attirez son regard dans différentes directions avec des jouets sonores et/ou colorés ; en cas de torticolis, stimulez particulièrement du côté difficile.
Pour le détendre, posez vos mains sur ses fesses et bercez-le doucement de droite à gauche.
Pliez ses genoux l’un après l’autre en les faisant glisser sur le tapis, comme s’il rampait.
Montrez-lui qu’il peut se reposer en posant sa tête sur le tapis ou sur son bras, tournée d’un côté puis de l’autre.
S’il est mal à l’aise à plat ventre, ne le remettez pas sur le dos au premier pleur, essayez de le rassurer. Si cela ne suffit pas, faites-le rouler sur le dos pour lui offrir une pause, puis faites-le revenir sur le ventre, en variant le sens de roulement ; il s’habituera progressivement à cette position.
Petit à petit, avec tous ces petits jeux, vous surprendrez votre enfant chercher à venir sur le côté pour vous voir, pour saisir un jouet, puis sur le ventre, spontanément. Il répétera son mouvement, comme un petit sportif à l’entraînement. Quand il saura rouler sur le ventre seul (en général, pas avant 5 mois), il s’entraînera à revenir sur le dos… puis il passera probablement la majorité de son temps à plat ventre, pour manipuler ses jouets, pivoter d’un côté ou de l’autre pour aller en attraper un autre, faire des « pompes » pour renforcer ses bras en prévision du 4 pattes !
Pour aller plus loin :
- le site de Michèle Forestier, auteure du livre « De la naissance aux premiers pas », kinésithérapeute et formatrice spécialisée en rééducation motrice des bébés ;
- un article de Michèle Forestier qui résume la rééducation motrice des bébés.
- une vidéo des Hôpitaux Universitaires de Genève, qui résume la prévention de la plagiocéphalie
- une plaquette d’information préventive d’un hôpital canadien
Recommandations rédigées entre autres à partir de la formation et du livre de Michèle Forestier, de mon expérience au cabinet, et de lectures diverses au fil d’internet…
Bibliographie (pour les données chiffrées et l’impact de la plagiocéphalie et/ou du torticolis) :
[1] Approche sensorimotrice dans la prise en charge des plagiocéphalies, Chevalier B. et coll., Kinésithér Scient 2014;557:11-14
[2] La plagiocéphalie positionnelle, Cummings C., Société Canadienne de Pédiatrie, Paediatr Child Health 2011;16(8):495-6
[3] Repercussions of plagiocephaly on posture, muscle flexibility and balance in children aged 3-5 years old, Cabrera-Martos I. et coll., J Paediatr Child Health. 2016 May;52(5):541-6.
[4] Development in toddlers with and without deformational plagiocephaly, Collett BR., Arch Pediatr Adolesc Med. 2011 Jul;165(7):653-8
[5] Impact of torticollis associated with plagiocephaly on infants’ motor development, Cabrera-Martos I. et coll., J Craniofac Surg. 2015 Jan;26(1):151-6